Utiliser le pâturage en rotation pour favoriser la régénération du sol et prévenir son appauvrissement

Le pâturage en rotation est une technique de gestion durable des animaux et du sol en permaculture. Elle consiste à déplacer les animaux régulièrement d’une parcelle à une autre, permettant aux zones pâturées de se reposer et de se régénérer avant de supporter à nouveau le passage du troupeau. Cette méthode, bien gérée, favorise la régénération du sol, stimule la biodiversité végétale, augmente la fertilité et prévient l’appauvrissement du sol dû au surpâturage. Voici un guide détaillé sur les principes du pâturage en rotation, ses bénéfices écologiques, les étapes pour le mettre en place dans ton jardin permaculturel, et des conseils pratiques pour optimiser cette méthode tout en assurant la santé des animaux et la résilience de l’écosystème.

Principes et fonctionnement du pâturage en rotation

Alternance des périodes de pâturage et de repos

Le pâturage en rotation repose sur l’alternance des périodes où les animaux broutent une parcelle et celles où cette parcelle se repose, ce qui permet au sol et à la végétation de se régénérer.

  • Principe de base : Divise le terrain en plusieurs parcelles ou zones de pâturage, généralement de 3 à 12, selon la taille du terrain et le nombre d’animaux. Chaque parcelle est pâturée pendant une période courte, allant de quelques jours à quelques semaines, puis laissée en repos pendant plusieurs semaines à plusieurs mois. Le repos permet aux plantes de repousser, au sol de se restructurer et aux nutriments de se répartir.
  • Gestion de la rotation : La durée de pâturage et de repos varie en fonction des conditions climatiques, de la saison, du type de végétation et de la capacité de charge du terrain. En général, plus la végétation est dense et vigoureuse, plus la durée de repos peut être courte. À l’inverse, sur des sols fragiles ou en régénération, les périodes de repos doivent être plus longues.
  • Adaptation aux besoins des animaux : Les périodes de pâturage doivent aussi être ajustées en fonction des besoins alimentaires des animaux. Par exemple, les jeunes pousses sont plus riches en nutriments et conviennent mieux aux animaux en croissance ou en lactation, tandis que les parcelles reposées offrent une diversité alimentaire plus large.

Astuce pratique : Utilise des clôtures mobiles pour gérer facilement les rotations entre les parcelles. Planifie le pâturage de manière à toujours laisser au moins 50 % de la végétation intacte pour protéger le sol et favoriser une repousse rapide.

Capacité de charge et pression de pâturage

La capacité de charge est la quantité maximale d’animaux qu’une parcelle peut supporter sans subir de dégradation. Elle dépend de la taille du terrain, du type de végétation et des besoins des animaux.

  • Évaluer la capacité de charge : La capacité de charge varie en fonction du type de sol, du climat, de la diversité végétale et de l’espèce animale. Par exemple, une prairie riche en légumineuses supporte plus d’animaux qu’un terrain sablonneux ou acide. Calcule le nombre d’animaux par hectare en fonction de la biomasse végétale disponible et de la période de repos nécessaire.
  • Adapter le nombre d’animaux : Ajuste la taille du troupeau en fonction de la croissance de la végétation et de la période de l’année. En période de forte croissance (printemps), le nombre d’animaux peut être augmenté, tandis qu’il doit être réduit en période de faible croissance (été sec, hiver).
  • Prévention du surpâturage : Un excès de pression de pâturage peut entraîner un surpâturage, qui appauvrit le sol, réduit la diversité végétale et expose le sol à l’érosion. Pour l’éviter, observe la hauteur des plantes après le pâturage : elle ne doit pas descendre en dessous de 5 à 8 cm pour les graminées et 10 cm pour les légumineuses.

Astuce pratique : Utilise des outils de mesure simples, comme une règle ou un quadrat, pour évaluer la hauteur des plantes avant et après le pâturage. Note les observations dans un carnet de bord pour ajuster les rotations et la taille du troupeau.

Diversité des espèces végétales et fourragères

Un pâturage en rotation bien géré favorise la diversité des espèces végétales, ce qui est essentiel pour la résilience de l’écosystème et la qualité nutritionnelle du fourrage.

  • Encourager la diversité végétale : La diversité des espèces de plantes dans le pâturage améliore la résilience face aux conditions climatiques, la qualité nutritionnelle du fourrage et la structure du sol. Associe des graminées (fétuque, ray-grass), des légumineuses (trèfle, luzerne) et des plantes herbacées (pissenlit, plantain).
  • Amélioration du sol par les légumineuses : Les légumineuses, qui fixent l’azote atmosphérique grâce aux nodosités de leurs racines, enrichissent le sol en azote, stimulant ainsi la croissance des autres plantes. Cela réduit le besoin en apports d’engrais extérieurs et soutient la fertilité du sol.
  • Rotation en fonction de la végétation : Alterne les périodes de pâturage en fonction de la composition végétale des parcelles. Laisse les légumineuses se développer pour fixer l’azote avant le pâturage. Favorise les graminées pendant les périodes de forte croissance pour soutenir la biomasse et la structure du sol.

Astuce pratique : Réensemence régulièrement les parcelles avec des mélanges de graminées et de légumineuses pour maintenir la diversité végétale. Après le pâturage, laisse les plantes monter en graines pour favoriser leur régénération naturelle.

Bénéfices écologiques du pâturage en rotation pour le sol

Amélioration de la fertilité du sol grâce aux déjections animales

Les animaux enrichissent le sol de leurs déjections, qui fournissent des nutriments essentiels comme l’azote, le phosphore et le potassium. En pratiquant le pâturage en rotation, ces apports sont mieux répartis et plus efficacement utilisés.

  • Apport de nutriments : Les déjections animales, riches en matière organique et en nutriments, fertilisent le sol. En les répartissant sur différentes parcelles grâce au pâturage en rotation, on évite la concentration excessive de nutriments, qui pourrait provoquer un déséquilibre ou une pollution.
  • Stimulation de la vie microbienne : Les déjections animales, lorsqu’elles se décomposent, stimulent l’activité microbienne et la décomposition de la matière organique. Cela améliore la structure du sol, augmente la disponibilité des nutriments et soutient la santé des plantes.
  • Incorporation de la matière organique : Le piétinement léger des animaux aide à incorporer les déjections dans le sol, améliorant la matière organique et la structure de la couche arable. Cela augmente la capacité de rétention d’eau du sol et favorise l’activité des vers de terre et des micro-organismes.

Astuce pratique : Si les déjections s’accumulent trop dans certaines zones, utilise un râteau ou un griffon pour les répartir sur la parcelle. En période de repos, applique du compost ou des engrais verts pour compléter l’apport de matière organique.

Amélioration de la structure et de l’aération du sol

Le piétinement modéré des animaux, combiné aux périodes de repos, améliore la structure du sol, son aération et sa capacité à retenir l’eau.

  • Aération naturelle par le piétinement : Le piétinement modéré des animaux crée des micro-canaux dans le sol, augmentant sa porosité et facilitant l’infiltration de l’eau. Cela réduit le ruissellement en surface et améliore l’accès des racines à l’air et à l’eau.
  • Prévention du compactage : Un pâturage en rotation bien géré évite le compactage du sol. En déplaçant les animaux régulièrement, on permet au sol de se restructurer pendant les périodes de repos. Les racines des plantes se développent plus profondément, améliorant la stabilité et la résilience du sol.
  • Régénération des racines et des plantes : Le pâturage stimule la croissance des plantes en coupant les parties aériennes. Cela encourage le développement des racines, qui se ramifient et pénètrent plus profondément dans le sol. Ces racines renforcent la structure du sol et augmentent sa capacité de rétention d’eau.

Astuce pratique : Pour évaluer l’aération du sol, observe la présence de vers de terre après les périodes de repos. Un sol bien aéré doit être friable et riche en matière organique. Si le sol semble compacté, allonge les périodes de repos et évite le pâturage en conditions humides.

Stimulation de la biodiversité végétale et animale

Le pâturage en rotation, en alternant les périodes de pâturage et de repos, favorise la régénération des plantes et la diversité des habitats, ce qui soutient une biodiversité plus riche.

  • Régénération des plantes : Les périodes de repos permettent aux plantes de se régénérer, de monter en graines et d’augmenter leur couverture. Cela favorise la biodiversité végétale et prévient l’érosion. Une végétation diversifiée offre aussi un habitat varié pour la faune, comme les insectes pollinisateurs, les oiseaux et les petits mammifères.
  • Création de microhabitats : Le pâturage crée une mosaïque de hauteurs et de densités végétales, avec des zones d’herbe rase et des zones de végétation plus haute. Cette diversité structurelle offre des niches écologiques pour de nombreuses espèces animales.
  • Réduction des plantes indésirables : En pratiquant un pâturage sélectif, on peut réduire la prolifération des plantes envahissantes. Par exemple, en pâturant les jeunes pousses des chardons ou des orties, on limite leur expansion et on favorise les plantes fourragères et les espèces indigènes.

Astuce pratique : Laisse certaines zones du pâturage non pâturées chaque année pour offrir des refuges aux plantes et aux animaux. Introduis des bandes fleuries ou des haies dans les parcelles pour diversifier les habitats et soutenir la biodiversité.

Étapes pour mettre en place un pâturage en rotation efficace

Planification et conception des parcelles de pâturage

La planification est essentielle pour un pâturage en rotation efficace. Elle doit prendre en compte la taille du terrain, le nombre d’animaux et la diversité végétale.

  • Délimitation des parcelles : Divise le terrain en plusieurs parcelles de taille variable, selon la surface disponible et le nombre d’animaux. Utilise des clôtures mobiles ou permanentes pour délimiter les parcelles. Assure-toi que chaque parcelle dispose d’un accès à l’eau et d’un abri.
  • Organisation du cycle de rotation : Planifie les rotations en fonction de la saison, de la croissance des plantes et des besoins alimentaires des animaux. Prévoyez un minimum de 3 à 4 parcelles pour éviter le surpâturage, avec une rotation toutes les 1 à 2 semaines en période de forte croissance, et des périodes de repos de 4 à 6 semaines.
  • Accès à l’eau et abris : Chaque parcelle doit offrir un accès facile à l’eau pour les animaux, surtout en été. Si nécessaire, utilise des abreuvoirs mobiles. Prévoyez également des zones d’ombre ou des abris pour protéger les animaux des intempéries.

Astuce pratique : Dessine un plan des parcelles avec les périodes de pâturage et de repos prévues. Ajuste le plan en fonction de la météo, de la croissance végétale et des observations sur le terrain.

Gestion des clôtures et des infrastructures mobiles

Les clôtures et les infrastructures mobiles (abreuvoirs, abris) sont essentielles pour gérer efficacement le pâturage en rotation et ajuster rapidement les parcelles.

  • Clôtures mobiles : Utilise des clôtures électriques ou des filets mobiles pour délimiter rapidement les parcelles et déplacer les animaux. Les clôtures mobiles permettent de modifier facilement la taille des parcelles en fonction de la croissance végétale et des besoins des animaux.
  • Abreuvoirs et abris mobiles : Utilise des abreuvoirs sur roues ou des réservoirs d’eau mobiles pour fournir de l’eau dans chaque parcelle. Prévoyez des abris mobiles pour les zones sans ombrage naturel, surtout en été. Ces infrastructures permettent d’assurer le bien-être des animaux et de les protéger des intempéries.
  • Passages et chemins d’accès : Prévoyez des passages pour faciliter le déplacement des animaux entre les parcelles. Utilise des chemins stabilisés ou des bandes enherbées pour éviter le compactage du sol et réduire les risques d’érosion.

Astuce pratique : Réserve un espace pour le stockage des clôtures et des abreuvoirs mobiles à proximité des parcelles. Cela facilite l’installation et le déplacement des infrastructures. Utilise des filets de pâturage pour les petits animaux (moutons, chèvres) et des clôtures électriques pour les plus grands (vaches, chevaux).

Surveillance et ajustement des pratiques de pâturage

La surveillance régulière des parcelles et l’ajustement des pratiques de pâturage sont essentiels pour garantir la santé du sol et des animaux.

  • Observation de la végétation : Observe la hauteur et la densité de la végétation avant et après le pâturage. Adapte les périodes de repos en fonction de la repousse des plantes et de la saison. Si la végétation peine à se régénérer, allonge la période de repos ou réduis la pression de pâturage.
  • Suivi de la santé des animaux : Assure-toi que les animaux disposent de suffisamment de nourriture et d’eau dans chaque parcelle. Surveille leur état de santé, leur poids et leur comportement. Si les animaux semblent stresser ou perdre du poids, revois le cycle de pâturage ou l’apport en nourriture.
  • Ajustement des pratiques en fonction des conditions : Adapte les rotations en fonction des conditions climatiques (pluie, sécheresse) et des besoins des animaux. En période de sécheresse, réduis la taille du troupeau ou rallonge les périodes de repos pour éviter de stresser le sol et les plantes.

Astuce pratique : Prends des notes régulières sur l’état de la végétation, la santé des animaux et les conditions climatiques. Utilise ces informations pour ajuster le plan de pâturage en temps réel et prévenir les problèmes avant qu’ils ne deviennent critiques.

Pratiques durables pour optimiser le pâturage en rotation

Intégration des cultures de couverture et des engrais verts

Les cultures de couverture et les engrais verts sont des compléments idéaux au pâturage en rotation, car ils améliorent la structure du sol, augmentent la matière organique et soutiennent la biodiversité.

  • Engrais verts dans les parcelles de repos : Sème des engrais verts (moutarde, phacélie, trèfle) dans les parcelles en repos pour couvrir le sol, améliorer la structure et fixer l’azote. Les engrais verts réduisent l’érosion, augmentent la matière organique et offrent un couvert végétal pour la faune.
  • Intégration des cultures de couverture : Utilise des cultures de couverture (seigle, avoine, pois) pour augmenter la biomasse et protéger le sol pendant les périodes de repos. Les cultures de couverture améliorent la structure du sol, favorisent la biodiversité et offrent un fourrage supplémentaire pour les animaux.
  • Récolte et incorporation des engrais verts : Après la période de repos, fauche les engrais verts et laisse-les se décomposer sur place ou incorpore-les au sol. Cela enrichit le sol en matière organique et en nutriments, préparant les parcelles pour le prochain cycle de pâturage.

Astuce pratique : Choisis des mélanges d’engrais verts adaptés aux besoins du sol et aux conditions climatiques. Associe des légumineuses pour fixer l’azote, des graminées pour améliorer la structure du sol, et des crucifères pour limiter les maladies du sol.

Association d’animaux complémentaires pour maximiser les bénéfices

Associer plusieurs espèces animales dans un même système de pâturage en rotation peut augmenter la diversité végétale, améliorer la fertilité du sol et réduire les risques de maladies.

  • Poules et ruminants : Les poules, en grattant le sol après le passage des ruminants, réduisent les larves de parasites, consomment les insectes nuisibles et enrichissent le sol de leurs fientes riches en azote. Cette combinaison limite les maladies parasitaires et améliore la qualité du pâturage.
  • Vaches et moutons : Les vaches broutent les plantes hautes et les graminées, tandis que les moutons consomment les herbes basses et les légumineuses. Cette complémentarité permet de maintenir un pâturage équilibré et de réduire les zones de surpâturage.
  • Canards et rizières : Les canards, en consommant les limaces et les insectes aquatiques, réduisent la pression des ravageurs dans les rizières. Leurs déjections enrichissent l’eau en nutriments, stimulant la croissance des plantes aquatiques et améliorant la qualité du sol submergé.

Astuce pratique : Planifie les rotations en tenant compte des besoins alimentaires et des comportements des différentes espèces. Introduis les animaux complémentaires de manière séquentielle pour maximiser les interactions positives et minimiser les conflits.

Préservation des habitats naturels et des corridors écologiques

La préservation des habitats naturels et des corridors écologiques dans le système de pâturage en rotation est essentielle pour soutenir la biodiversité et la résilience de l’écosystème.

  • Zones de refuge et haies : Conserve des zones non pâturées (bosquets, haies, bandes enherbées) pour offrir des refuges aux animaux sauvages et préserver la biodiversité. Les haies et les bandes enherbées servent de corridors écologiques, facilitant les déplacements des animaux.
  • Protection des zones humides : Les zones humides, comme les mares et les ruisseaux, sont des habitats essentiels pour de nombreuses espèces. Limite l’accès des animaux à ces zones pour éviter le piétinement excessif, l’érosion et la pollution par les déjections.
  • Rotations des zones sensibles : Réduis la pression de pâturage dans les zones sensibles, comme les pentes, les sols fragiles ou les zones proches des cours d’eau. Utilise des clôtures temporaires pour protéger ces zones pendant les périodes critiques (pluie, sécheresse).

Astuce pratique : Cartographie les zones sensibles et les corridors écologiques dans ton jardin. Intègre ces zones dans ton plan de pâturage et ajuste les rotations pour protéger ces habitats et soutenir la biodiversité.

Conclusion

Le pâturage en rotation est une technique puissante pour régénérer le sol, favoriser la biodiversité et prévenir l’appauvrissement des terres en permaculture. En alternant les périodes de pâturage et de repos, en ajustant la pression de pâturage en fonction de la capacité de charge et en intégrant des pratiques durables comme les cultures de couverture et les associations d’animaux complémentaires, tu peux créer un système équilibré et résilient. Cette méthode non seulement améliore la fertilité du sol, la structure et la diversité végétale, mais elle soutient également la santé et le bien-être des animaux, tout en réduisant les intrants extérieurs et en augmentant la productivité du système. Prêt(e) à mettre en place un pâturage en rotation efficace et à transformer ton jardin en un écosystème vivant, productif et durable ?

En savour plus :