Comment un jardin-forêt ou un système d’agroforesterie contribue-t-il à la séquestration du carbone ?

Les jardins-forêts et les systèmes d’agroforesterie jouent un rôle crucial dans la séquestration du carbone, une pratique essentielle pour atténuer les effets du changement climatique. En combinant des arbres, des arbustes, des cultures vivaces et annuelles, et parfois même du bétail sur une même parcelle, ces systèmes capturent et stockent le carbone atmosphérique dans les plantes et le sol. Contrairement aux systèmes agricoles conventionnels, qui sont souvent responsables de l’émission de gaz à effet de serre à travers la déforestation, la dégradation des sols et l’utilisation d’intrants chimiques, les jardins-forêts et l’agroforesterie offrent une solution durable en augmentant la biomasse végétale et en améliorant la santé des sols. Le résultat est une accumulation de carbone qui peut durer des décennies, voire des siècles.

Cet article explore en détail les mécanismes par lesquels les jardins-forêts et les systèmes d’agroforesterie contribuent à la séquestration du carbone, les avantages écologiques et climatiques de ces pratiques, et les moyens d’optimiser leur potentiel de capture du carbone.

Les mécanismes de séquestration du carbone dans les jardins-forêts et l’agroforesterie

La séquestration du carbone se produit principalement par deux mécanismes : la capture du carbone dans la biomasse végétale (arbres, arbustes, cultures) et le stockage du carbone dans le sol par la matière organique. Chaque composant du système joue un rôle spécifique dans ce processus.

Capture du carbone dans la biomasse végétale : arbres, arbustes et plantes

Les plantes captent le dioxyde de carbone (CO₂) de l’atmosphère lors de la photosynthèse et le transforment en biomasse, stockant ainsi le carbone sous forme de bois, de feuilles et de racines.

  • Biomasse aérienne : Les arbres et les arbustes, grâce à leur grande taille et leur croissance lente, stockent de grandes quantités de carbone dans leur tronc, leurs branches et leurs feuilles. Le carbone reste emprisonné dans cette biomasse pendant toute la vie de l’arbre, et même après sa mort s’il se décompose lentement.
  • Biomasse souterraine : Les racines des arbres et des plantes vivaces stockent également du carbone. Les racines profondes et étendues permettent de capter le carbone dans les couches inférieures du sol, où il est plus stable et moins susceptible d’être libéré par les perturbations de surface.
  • Effet cumulatif : Un jardin-forêt ou un système agroforestier bien conçu inclut des plantes de différentes strates (canopée, sous-canopée, arbustive, herbacée), maximisant ainsi la capture du carbone à tous les niveaux du système.

Stockage du carbone dans le sol : matière organique et humus

Le sol est un immense réservoir de carbone. Dans un système agroforestier ou un jardin-forêt, la matière organique se décompose lentement, enrichissant le sol en carbone organique stable.

  • Matière organique : Les feuilles mortes, les branches tombées, et les racines en décomposition enrichissent le sol en matière organique. Cette matière, en se décomposant, forme l’humus, qui est une forme stable de carbone dans le sol.
  • Interaction racines-microorganismes : Les racines des arbres et des plantes s’associent avec les microorganismes du sol, comme les champignons mycorhiziens. Ces interactions facilitent le transfert de carbone vers le sol et sa stabilisation sous forme de composés organiques complexes.
  • Formation de l’humus : La décomposition lente des matières organiques (feuilles, bois, racines) favorise la formation d’humus, qui peut stocker le carbone pendant des siècles. L’humus améliore également la structure du sol, augmentant sa capacité à retenir l’eau et les nutriments, et soutient la vie microbienne.

Rôle des arbres dans la séquestration du carbone : durabilité et stockage à long terme

Les arbres sont les principaux contributeurs à la séquestration du carbone grâce à leur capacité à stocker du carbone pendant de longues périodes.

  • Croissance lente et stockage prolongé : Les arbres à croissance lente, comme les chênes ou les noyers, stockent le carbone pendant des décennies, voire des siècles. Leur bois dense accumule de grandes quantités de carbone, qui restent piégées tant que l’arbre est vivant et en bonne santé.
  • Stockage dans le bois : Le bois des arbres matures stocke le carbone sous forme de cellulose et de lignine. Lorsqu’un arbre est utilisé pour le bois d’œuvre ou les matériaux de construction, ce carbone reste piégé tant que le bois n’est pas brûlé ou décomposé.
  • Rôle des arbres à croissance rapide : Les arbres à croissance rapide, comme les saules ou les peupliers, séquestrent du carbone plus rapidement. Ils peuvent être utilisés pour la biomasse ou le bois de chauffage, mais il est important de les gérer de manière durable pour éviter de libérer le carbone capturé.

Exemple pratique :

Dans un jardin-forêt combinant des châtaigniers (arbre de canopée), des pommiers (sous-canopée), des noisetiers(arbustes), et des plantes vivaces comme la consoude, chaque strate contribue à la capture du carbone. Les feuilles et les racines se décomposent, formant de l’humus et enrichissant le sol en carbone organique. Les châtaigniers stockent le carbone à long terme dans leur bois, tandis que les plantes herbacées favorisent le stockage dans les couches superficielles du sol.

Avantages écologiques de la séquestration du carbone dans les jardins-forêts et l’agroforesterie

Outre la séquestration du carbone, ces systèmes offrent de nombreux avantages écologiques qui renforcent la résilience des paysages agricoles et contribuent à la lutte contre le changement climatique.

Amélioration de la structure du sol : stabilité et résilience

Les systèmes agroforestiers améliorent la structure du sol en augmentant la matière organique et en stabilisant les particules du sol.

  • Réduction de l’érosion : Les racines des arbres et des arbustes ancrent le sol, réduisant ainsi l’érosion par le vent et l’eau. Un sol stable et bien structuré retient mieux le carbone et les nutriments.
  • Amélioration de la rétention d’eau : La matière organique augmente la capacité du sol à retenir l’eau, réduisant le ruissellement et augmentant la résilience du système face aux sécheresses.
  • Aération et infiltration : Les racines des arbres créent des canaux dans le sol, facilitant l’infiltration de l’eau et l’aération. Cela améliore la santé du sol et favorise la décomposition de la matière organique en humus.

Augmentation de la biodiversité : soutien aux écosystèmes et aux services écosystémiques

Les jardins-forêts et les systèmes agroforestiers favorisent la biodiversité, ce qui contribue à la santé et à la résilience des écosystèmes.

  • Habitat pour la faune : La diversité des strates végétales offre un habitat pour une grande variété d’espèces animales, des insectes pollinisateurs aux oiseaux et aux petits mammifères. Cette biodiversité soutient les services écosystémiques, comme la pollinisation et le contrôle des ravageurs.
  • Plantes compagnes et interactions : Les plantes qui fixent l’azote, attirent les pollinisateurs ou repoussent les ravageurs créent un système équilibré et résilient. Ces interactions positives augmentent la santé globale du système et réduisent le besoin en intrants chimiques.
  • Restauration des écosystèmes dégradés : L’agroforesterie peut être utilisée pour restaurer les écosystèmes dégradés, en augmentant la couverture végétale et en réintroduisant des espèces natives qui soutiennent la faune locale.

Réduction des émissions de gaz à effet de serre : effet tampon

Les jardins-forêts et les systèmes agroforestiers contribuent à réduire les émissions de gaz à effet de serre en captant le carbone et en diminuant l’utilisation d’intrants agricoles.

  • Réduction des intrants chimiques : Les systèmes agroforestiers améliorent la fertilité du sol de manière naturelle, réduisant ainsi le besoin en engrais chimiques et en pesticides, qui sont des sources importantes de gaz à effet de serre.
  • Réduction des émissions de méthane et de protoxyde d’azote : Les systèmes bien gérés évitent le surpâturage et la compaction du sol, réduisant ainsi les émissions de méthane par les ruminants et de protoxyde d’azote par les engrais.
  • Effet tampon : Les arbres absorbent le carbone atmosphérique, compensant en partie les émissions de gaz à effet de serre produites par les activités agricoles environnantes.

Régulation du cycle de l’eau : augmentation de l’infiltration et réduction du ruissellement

Les arbres et les plantes vivaces régulent le cycle de l’eau, améliorant la disponibilité de l’eau et la qualité des sols.

  • Augmentation de l’infiltration : Les racines des arbres favorisent l’infiltration de l’eau dans le sol, réduisant le ruissellement et les risques d’inondation. L’eau est ainsi mieux stockée dans le sol, disponible pour les plantes en période de sécheresse.
  • Réduction de l’évaporation : Les couvertures végétales denses réduisent l’évaporation de l’eau du sol, augmentant l’efficacité de l’utilisation de l’eau.
  • Régulation des cours d’eau : Les systèmes agroforestiers le long des rivières et des cours d’eau (ripisylves) protègent les berges de l’érosion, filtrent les sédiments et les nutriments, et améliorent la qualité de l’eau.

Exemple pratique :

Dans un système agroforestier, planter des arbres comme le chêne ou le noyer en combinaison avec des cultures annuelles et vivaces, comme le blé et la luzerne, améliore la structure du sol et augmente la séquestration du carbone. Les racines profondes des arbres favorisent l’infiltration de l’eau, réduisent l’érosion et créent un habitat pour une faune diverse, soutenant la biodiversité locale et contribuant à la résilience climatique.

Optimiser le potentiel de séquestration du carbone des jardins-forêts et des systèmes agroforestiers

Pour maximiser la séquestration du carbone, il est important de concevoir et de gérer ces systèmes de manière à encourager la capture et le stockage du carbone.

Choix des espèces végétales : arbres, arbustes et vivaces

Le choix des espèces est crucial pour maximiser le stockage du carbone dans un jardin-forêt ou un système agroforestier.

  • Arbres à croissance lente et bois dense : Privilégie les espèces d’arbres à bois dense, comme le chêne, le noyer ou le hêtre, qui stockent le carbone sur de longues périodes.
  • Arbres à croissance rapide pour la biomasse : Les arbres comme le peuplier, le saule ou l’acacia peuvent être utilisés pour produire de la biomasse rapidement. Assure-toi de les gérer durablement pour éviter la libération rapide du carbone capturé.
  • Plantes vivaces et couvre-sol : Les plantes vivaces et les couvre-sol comme la consoude, le trèfle ou la luzerne, protègent le sol, augmentent la matière organique, et contribuent au stockage du carbone dans les couches superficielles du sol.

Gestion des arbres et des cultures : pratiques durables

La gestion durable des arbres et des cultures est essentielle pour maintenir la séquestration du carbone à long terme.

  • Taille et élagage : La taille régulière des arbres et des arbustes favorise la croissance saine et augmente la biomasse. Utilise le bois coupé comme paillis ou bois d’œuvre pour stocker le carbone.
  • Pâturage intégré : Utilise le pâturage tournant pour gérer la végétation herbacée sans compacter le sol. Les déjections animales enrichissent le sol en matière organique, favorisant ainsi la séquestration du carbone.
  • Rotation des cultures et agroforesterie dynamique : La rotation des cultures avec des arbres fixateurs d’azote et des cultures de couverture améliore la fertilité du sol et maximise la capture du carbone.

Préservation et utilisation durable des arbres : maximiser le stockage

Les arbres jouent un rôle central dans le stockage du carbone. Leur gestion et leur utilisation doivent être soigneusement planifiées.

  • Conservation des arbres matures : Les arbres matures stockent de grandes quantités de carbone. Protéger les arbres existants et éviter leur abattage est crucial pour maintenir le stockage de carbone à long terme.
  • Utilisation du bois mort : Le bois mort en décomposition continue de stocker le carbone dans le sol. Laisse une partie du bois mort sur place pour favoriser la biodiversité et le stockage de carbone.
  • Produits ligneux durables : Utilise le bois des arbres abattus pour des produits à longue durée de vie, comme le bois d’œuvre ou les meubles, afin de prolonger le stockage du carbone.

Surveillance et évaluation de la séquestration : suivi des progrès

Le suivi régulier des niveaux de carbone dans la biomasse et le sol permet d’évaluer l’efficacité des pratiques de séquestration.

  • Mesure de la biomasse : Évalue la croissance des arbres et des arbustes pour estimer la quantité de carbone stockée dans la biomasse aérienne.
  • Analyse du sol : Prélève des échantillons de sol pour mesurer la teneur en carbone organique. Cela permet de suivre l’évolution du stockage de carbone dans le sol au fil du temps.
  • Adaptation des pratiques : Ajuste les pratiques de gestion en fonction des résultats des analyses pour maximiser la séquestration du carbone tout en maintenant la santé du système.

Exemple pratique :

Dans un système agroforestier, plante des arbres à croissance lente comme le chêne pour le stockage de carbone à long terme, et des arbres à croissance rapide comme le saule pour la biomasse. Utilise des couvre-sol comme le trèfle pour fixer l’azote et améliorer la fertilité du sol. Mesure régulièrement la biomasse des arbres et la teneur en carbone du sol pour suivre l’efficacité de la séquestration du carbone.

Conclusion

Les jardins-forêts et les systèmes d’agroforesterie jouent un rôle majeur dans la séquestration du carbone, contribuant ainsi à la lutte contre le changement climatique. En capturant le carbone dans la biomasse végétale et en le stockant dans le sol sous forme de matière organique, ces systèmes permettent de stabiliser le carbone à long terme. Les avantages écologiques de l’agroforesterie, tels que l’amélioration de la fertilité des sols, l’augmentation de la biodiversité, et la régulation du cycle de l’eau, renforcent la résilience des paysages agricoles. Pour maximiser le potentiel de séquestration du carbone, il est crucial de concevoir et de gérer ces systèmes de manière durable, en choisissant les bonnes espèces et en appliquant des pratiques de gestion appropriées. En adoptant ces stratégies, nous pouvons créer des systèmes agricoles qui non seulement capturent le carbone, mais aussi soutiennent des écosystèmes sains et résilients. 🌳

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