Intégrer des systèmes de filtration naturelle pour purifier l’eau dans un projet permaculturel

Dans un projet permaculturel, l’eau est une ressource précieuse qu’il faut utiliser de manière optimale. Que ce soit pour l’irrigation des cultures, l’abreuvement des animaux ou même des usages domestiques, disposer d’une eau propre et de bonne qualité est essentiel. Les systèmes de filtration naturelle permettent de purifier l’eau de manière écologique, en utilisant des procédés biologiques et physiques sans produits chimiques. Ils s’intègrent parfaitement dans les principes de la permaculture, car ils favorisent la biodiversité, réduisent l’impact environnemental et contribuent à la régénération des écosystèmes. Voici comment concevoir et intégrer ces systèmes de filtration dans un projet permaculturel pour purifier l’eau efficacement.

Les marais filtrants (phytoépuration) : Utiliser les plantes pour nettoyer l’eau

Les marais filtrants, ou systèmes de phytoépuration, utilisent des plantes aquatiques pour traiter et purifier l’eau. Ils sont particulièrement efficaces pour le traitement des eaux grises (eaux usées domestiques sans matières fécales) et peuvent aussi être utilisés pour purifier l’eau de pluie ou d’irrigation.

Fonctionnement des marais filtrants

  1. Principe de la phytoépuration :
    • L’eau passe à travers plusieurs bassins plantés de végétaux aquatiques (roseaux, massettes, menthe aquatique) qui absorbent les nutriments et filtrent les polluants.
    • Les bactéries présentes dans le substrat (gravier, sable) décomposent les matières organiques, tandis que les racines des plantes absorbent les nutriments excédentaires.
  2. Les différentes étapes du traitement :
    • Pré-filtration : L’eau est d’abord débarrassée des particules grossières (sable, feuilles) grâce à un décanteur ou un filtre à sédiments.
    • Bassin vertical : L’eau s’écoule du haut vers le bas à travers un lit de graviers et de plantes, où les bactéries aérobies dégradent les matières organiques.
    • Bassin horizontal : L’eau circule horizontalement à travers un autre lit de graviers, permettant aux plantes d’absorber les nutriments et aux bactéries anaérobies de compléter le traitement.
    • Zone de lagunage : Un dernier bassin peu profond, planté de plantes aquatiques, permet de polir l’eau avant son utilisation.

Conception et installation d’un marais filtrant

  1. Choix des plantes :
    • Utilise des plantes adaptées à ton climat et à la qualité de l’eau à traiter. Les roseaux (Phragmites australis) et les massettes (Typha latifolia) sont très efficaces pour absorber les nitrates et les phosphates.
    • La menthe aquatique, le jonc ou le carex sont utiles pour la dernière phase de purification, car ils absorbent les résidus restants.
  2. Dimensionnement du système :
    • Calcule le volume d’eau à traiter par jour. En général, il faut prévoir 2 à 3 m² de surface de filtration par personne pour le traitement des eaux grises.
    • Prévois des bassins de 40 à 60 cm de profondeur, avec une pente légère pour assurer un écoulement régulier.
  3. Construction :
    • Creuse les bassins et installe une bâche en EPDM ou une couche d’argile compactée pour assurer l’étanchéité.
    • Remplis les bassins de différentes couches de graviers, de sables et de substrats pour assurer une filtration efficace.
    • Plante les végétaux choisis et laisse-les s’enraciner avant de faire passer l’eau dans le système.

Entretien et optimisation

  1. Nettoyage des pré-filtres :
    • Vides et nettoie les décanteurs et les filtres à sédiments tous les 3 à 6 mois pour éviter les obstructions.
  2. Contrôle de la végétation :
    • Coupe les plantes aquatiques à la fin de l’hiver pour encourager une nouvelle croissance et éviter qu’elles n’étouffent le système.
  3. Surveillance de l’écoulement :
    • Vérifie régulièrement que l’eau s’écoule bien dans tous les bassins et que le substrat ne s’encrasse pas.

Avantages des marais filtrants

  • Purification écologique : Aucun produit chimique n’est utilisé, tout repose sur les processus naturels.
  • Création de biodiversité : Les marais filtrants deviennent des habitats pour de nombreuses espèces (oiseaux, insectes, amphibiens).
  • Faible coût de fonctionnement : Après l’installation initiale, l’entretien est minime et le système est quasi-autonome.

Filtres à sable et biofiltres : Utiliser des matériaux naturels pour une purification en profondeur

Les filtres à sable et les biofiltres sont des systèmes de filtration physique et biologique qui utilisent des matériaux naturels comme le sable, le gravier et le charbon actif pour purifier l’eau. Ils sont particulièrement adaptés pour le traitement de l’eau de pluie, de puits ou de surface avant son utilisation.

Filtres à sable : Une purification mécanique efficace

  1. Principe de fonctionnement :
    • L’eau passe à travers plusieurs couches de sable et de gravier. Les particules en suspension sont piégées dans les interstices du sable, tandis que les bactéries présentes dans le biofilm décomposent les impuretés organiques.
    • Ce type de filtre est efficace pour éliminer les sédiments, les matières en suspension, ainsi que certaines bactéries et virus.
  2. Conception d’un filtre à sable :
    • Structure : Utilise un récipient en plastique ou en béton de 1 à 2 mètres de hauteur, avec un fond perforé pour l’écoulement de l’eau.
    • Couches de filtration :
      • Une première couche de graviers grossiers (10-20 mm) d’environ 10-15 cm.
      • Une couche de sable fin (0,2-0,5 mm) d’environ 50-70 cm.
      • Une dernière couche de gravier fin (2-5 mm) de 5-10 cm.
    • Entrée et sortie : L’eau entre par le haut et s’écoule lentement à travers les couches de sable et de gravier. Un robinet ou un tuyau en bas du filtre permet de récupérer l’eau purifiée.
  3. Entretien :
    • Nettoie la surface du sable tous les 6 mois pour enlever le biofilm qui pourrait obstruer le système.
    • Remplace le sable et les graviers tous les 2 à 3 ans pour maintenir l’efficacité du filtre.

Biofiltres : Combiner filtration physique et biologique

  1. Principe de fonctionnement :
    • Les biofiltres utilisent des matériaux poreux comme le charbon actif, les coquilles de noix ou les graviers, colonisés par des micro-organismes. Ces derniers décomposent les impuretés organiques et purifient l’eau.
    • Les biofiltres sont efficaces pour éliminer les composés organiques, les nutriments et certains contaminants chimiques.
  2. Conception d’un biofiltre :
    • Matériaux filtrants :
      • Charbon actif : Adsorbe les polluants chimiques, les pesticides et les métaux lourds.
      • Coquilles de noix ou fibres de coco : Support pour les bactéries, efficace pour la dégradation des matières organiques.
      • Graviers et pouzzolane : Favorisent l’oxygénation et la décomposition des polluants.
    • Structure :
      • Utilise un contenant vertical de 1 à 2 mètres de hauteur, avec plusieurs couches de matériaux filtrants.
      • L’eau entre par le haut, passe à travers les couches de matériaux et ressort par le bas.
    • Oxygénation : Installe un aérateur ou un tube de ventilation pour favoriser l’oxygénation et l’activité bactérienne.
  3. Entretien :
    • Rince régulièrement les matériaux filtrants pour éviter l’encrassement.
    • Remplace le charbon actif tous les 6 à 12 mois pour maintenir l’efficacité du filtre.

Avantages des filtres à sable et des biofiltres

  • Filtration efficace et durable : Les filtres à sable et les biofiltres nécessitent peu d’entretien et durent plusieurs années.
  • Coût faible : Les matériaux sont peu coûteux et facilement disponibles.
  • Adaptabilité : Ces filtres peuvent être dimensionnés en fonction des besoins, du petit système domestique à la grande ferme permaculturelle.

Zones humides artificielles et systèmes de lagunage : Reproduire les processus naturels de filtration

Les zones humides artificielles et les systèmes de lagunage sont des écosystèmes recréés où l’eau est purifiée par des processus biologiques. Ils s’inspirent des marécages et des zones de ripisylve pour traiter les eaux usées et améliorer la qualité de l’eau.

Fonctionnement des zones humides artificielles

  1. Processus de purification :
    • L’eau s’écoule lentement à travers une série de bassins peu profonds plantés de végétation aquatique. Les plantes, les micro-organismes et les substrats filtrants (graviers, sable) décomposent et absorbent les polluants.
    • Les bactéries dégradent les matières organiques, tandis que les plantes aquatiques absorbent les nutriments excédentaires (nitrates, phosphates).
  2. Structure d’une zone humide artificielle :
    • Bassins étagés : Plusieurs bassins en cascade, d’une profondeur de 30 à 60 cm, avec des niveaux d’eau variables pour favoriser différents types de végétation.
    • Végétation : Plante des espèces adaptées comme les roseaux, les iris d’eau, le jonc, et les sagittaires.
    • Substrat filtrant : Utilise des couches de sable, de graviers et de pouzzolane pour favoriser l’infiltration et la dégradation des polluants.
  3. Dimensionnement et capacité :
    • Calcule la surface nécessaire en fonction du volume d’eau à traiter. En général, il faut 5 à 10 m² de zone humide par mètre cube d’eau traité par jour.
    • Prévoyez une pente douce (1 à 3%) entre les bassins pour faciliter l’écoulement de l’eau.

Systèmes de lagunage : Créer des écosystèmes aquatiques pour purifier l’eau

  1. Structure du lagunage :
    • Bassin principal : Un bassin de 50 à 100 cm de profondeur, planté de végétaux aquatiques flottants (nénuphars, laitues d’eau) et de plantes submergées (élodées, cératophylles).
    • Canaux de circulation : Des canaux peu profonds pour guider l’eau à travers différents micro-habitats, permettant une purification progressive.
    • Zone de débordement : Une dernière zone de lagunage avec des plantes capables de filtrer les derniers polluants (carex, menthe aquatique).
  2. Processus de purification :
    • Sédimentation : Les particules en suspension se déposent au fond du bassin principal.
    • Absorption par les plantes : Les plantes aquatiques absorbent les nutriments et réduisent la prolifération des algues.
    • Dégradation microbienne : Les bactéries présentes dans le substrat et les racines des plantes dégradent les matières organiques.
  3. Intégration dans le paysage :
    • Les systèmes de lagunage peuvent être intégrés dans les jardins ou les zones de loisirs, créant des espaces esthétiques et écologiques.
    • Ils attirent la faune locale (oiseaux, insectes, amphibiens), augmentant la biodiversité du site.

Entretien et surveillance des zones humides et systèmes de lagunage

  1. Entretien de la végétation :
    • Coupe les plantes aquatiques envahissantes à la fin de la saison de croissance pour éviter l’étouffement du système.
    • Retire régulièrement les algues et les débris flottants.
  2. Surveillance de la qualité de l’eau :
    • Teste régulièrement les paramètres de l’eau (pH, nitrates, phosphates) pour t’assurer que le système fonctionne bien.
    • Vérifie les niveaux d’eau et les débits pour éviter le colmatage des canaux.
  3. Vidange et nettoyage :
    • Vides et nettoie les bassins de sédimentation tous les 3 à 5 ans pour éviter l’accumulation de boues.

Avantages des zones humides artificielles et des systèmes de lagunage

  • Purification naturelle et esthétique : En plus de purifier l’eau, ces systèmes embellissent le paysage et créent des habitats pour la faune.
  • Grande capacité de traitement : Ils peuvent traiter de grandes quantités d’eau, même légèrement polluée, et sont adaptés aux projets de permaculture de grande envergure.
  • Maintenance faible : Une fois bien établis, ils nécessitent peu d’entretien comparé aux systèmes mécaniques.

Filtres de plantes flottantes et phytorestauration : Utiliser la puissance des plantes pour dépolluer l’eau

Les plantes flottantes et les systèmes de phytorestauration utilisent des végétaux pour absorber les polluants et restaurer la qualité de l’eau. Ils sont adaptés aux petits bassins, aux mares et aux étangs.

Plantes flottantes pour la purification de l’eau

  1. Types de plantes flottantes :
    • Jacinthe d’eau (Eichhornia crassipes) : Absorbe les métaux lourds, les nitrates et les phosphates. Attention, elle peut devenir envahissante.
    • Laitue d’eau (Pistia stratiotes) : Absorbe les nutriments et empêche la croissance des algues.
    • Lentille d’eau (Lemna minor) : Fixe l’azote et les phosphates, créant une barrière contre la lumière et limitant la croissance des algues.
  2. Fonctionnement :
    • Les racines des plantes flottantes absorbent les nutriments et les polluants directement dans l’eau, réduisant ainsi la charge en nutriments.
    • Elles fournissent de l’ombre, refroidissant l’eau et limitant la croissance des algues.
  3. Entretien :
    • Retire régulièrement les plantes mortes ou en excès pour éviter qu’elles ne se décomposent dans l’eau.
    • Contrôle leur prolifération pour éviter qu’elles ne couvrent toute la surface du bassin.

Phytorestauration : Réhabiliter l’eau et le sol avec des plantes spécifiques

  1. Phytorestauration des métaux lourds :
    • Utilise des plantes capables d’absorber les métaux lourds comme le roseau commun (Phragmites australis), le saule (Salix sp.), ou le tournesol.
    • Ces plantes accumulent les polluants dans leurs tissus, purifiant ainsi l’eau et le sol.
  2. Phytorestauration des nutriments :
    • Les plantes comme la menthe aquatique ou la consoude absorbent les excès d’azote et de phosphore, réduisant l’eutrophisation des plans d’eau.
    • Plante ces espèces autour des bassins ou dans les zones humides pour capter les nutriments avant qu’ils n’atteignent les cours d’eau.
  3. Collecte et gestion des biomasses contaminées :
    • Après plusieurs mois ou années de culture, les plantes accumulatrices de métaux lourds doivent être récoltées et éliminées en toute sécurité.
    • Les plantes non toxiques peuvent être compostées ou utilisées comme biomasse.

Avantages des systèmes de phytorestauration

  • Remédiation écologique : La phytorestauration permet de dépolluer l’eau et le sol sans recours à des technologies lourdes ou chimiques.
  • Réduction de l’eutrophisation : Les plantes absorbent les nutriments avant qu’ils ne causent une prolifération algale.
  • Coût faible : La mise en place et l’entretien sont peu coûteux, et les plantes peuvent souvent se régénérer seules.

L’intégration de systèmes de filtration naturelle pour purifier l’eau dans un projet permaculturel permet de créer des écosystèmes autonomes et résilients. Les marais filtrants, les biofiltres, les zones humides artificielles et la phytorestauration offrent des solutions efficaces et écologiques pour traiter l’eau de manière durable. En choisissant les techniques adaptées à ton terrain et à tes besoins, tu pourras non seulement purifier l’eau, mais aussi enrichir la biodiversité de ton projet, améliorer la qualité des sols et promouvoir un cycle de l’eau harmonieux. En alliant ingénierie écologique et principes permaculturels, tu contribueras à un environnement sain et productif pour les générations futures. 🌿💧

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